Le silence des collines – Béatrice Uwambaje

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Editions Sépia, 2019

Proverbe rwandais : « Une famille qui ne parle est une famille qui meurt ».

Le grand écrivain et poète Congolais, Sony Labou Tansi, invoquant l’importance de la Parole, du Dire et de l’Oralité, disait : « Nous venons au monde pour nommer : gare à qui nommera sa perte ou sa honte… En tant qu’écrivain, mon travail consiste à nommer. Nommer la peur, nommer la honte, nommer l’espoir, pourquoi pas ».

Peut-être est-ce pour cela que le nom, dans sa singularité de terre sacrée, occupe une place si essentielle, dans le prologue de la romancière Béatrice Uwanbaje (qui signifie « celle qui croit en elle », mais aussi « celle dont les prières sont toujours exaucées »), et dans l’Ubunyano des Rwandais (cérémonie du don du Nom) : « Dans cette partie du monde, on ne porte ni le nom de son père ni celui de son clan. Tout le monde naît avec son identité propre. Chacun porte son nom tout au long de sa vie, comme il porte son histoire, ou supporte son fardeau. Chaque nom personnel, intransmissible, est choisi selon les événements familiaux, historiques, nationaux, ou simplement la position de l’enfant dans la fratrie… Le nom est si important que personne d’autre ne pourra vous l’enlever ni vous confondre. Il a en lui ce pouvoir de vous rendre unique, de faire de vous un être singulier ». Puis elle continue : « Au Rwanda d’avant le christianisme, on ne donne pas non plus de prénoms. Les prénoms disant-on, c’est des histoires de Blancs. On ne prénomme pas, on nomme ».

Dès lors, entre nommer et le nom, ce roman prend une dimension particulière, de par l’articulation de la Parole et des faits, du vécu, de l’imaginaire, de l’Histoire.

Car, de quoi s’agit-il ici ? De l’histoire de Mutési, double de l’auteure, une Rwandaise d’exil, 23 ans après, sur les lieux du drame du génocide, dont elle a été témoin et victime : entourée de son fils aîné Manzi, survivant lui-aussi, et de ses deux autres enfants métis.

Entre espace de vérité, et espace imaginaire, elle tente de rétablir la relation, avec ceux qui désormais des acteurs d’une société en mutation, qui bouge, et qui est transformée.

Le personnage-narrateur Mutési observe, se promène, se souvient, pleure, conte, analyse. Son récit, à la fois intime et pudique, calme et étourdissant, oscille entre évocation, litanie (« Je suis vivante ! »), métaphore, passé, présent, monologue, dialogue.