Perpétue ou l’habitude du malheur de Mongo Beti

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ENCORE MONGO BETI !

Encore Mongo Beti ! S’est – on sans doute interloqué en 1974, date de la publication de Perpétue ou l’habitude du malheur chez Buchet/Chastel.

L’écrivain Camerounais dont la plume était incisive, acerbe, révolutionnaire avait déjà fait beaucoup parler de lui à travers bon nombre de ses romans : (Ville cruelle 1954) ; (pauvre Christ de Bomba 1956) et son essai ; (Main basse sur le Cameroun 1972). Fidèle à l’écriture engagée, le Camerounais présente une fois de plus au grand jour les affres de la société Postcoloniale et surtout néocolonialiste. Dans son chef d’œuvre romanesque, il nous est conté dans son style bien connu, l’histoire de Perpétue qui après avoir été vitupérée, ostracisée et châtiée à perpétuité par son époux qui d’ailleurs n’est- qu’un fonctionnaire à qui on a vendu une belle femme est décédée . En tout cas, c’est ce que révèle l’enquête qu’entreprend ESSOLA .Apres six ans dans un camp de concentration, il décide de faire la lumière sur la mort de sa sœur et c’est le fild’Ariane de l’histoire du roman. Si Perpétue se fait prostituer et se laisse violenter par son mari, c’est qu’elle s’est accommodée à l’anormal. Le malheur ne l’émeut plus et ce  jusqu’à son dernier soupir. Perpétue était vraiment habituée au malheur !

L’onomastique et l’anthroponymie : les outils pour lire et comprendre :

Perpétue ou l’habitude du malheur :

Au-delà de l’intrigue, du dénouement et de la beauté romanesque se dévoile une écriture révolutionnaire. L’écrivain dans son engagement lutte contre le néocolonialisme et la dignité de l’homme noir, un combat cher aux jeunes écrivains Africains du vingtième siècle. Mais encore, la bataille, la révolution pour l’écriture poussa la plupart des noirs à écrire sous des pseudonymes – pour leur sécurité – et c’est dans cette trame qu’ALEXANDRE BIYIDI choisit le nom de Mongo Beti dont l’étude onomastique nous révèle la signification suivante : ‘’enfant beti’’ ou ‘’le beti’’. Beti étant ici le nom de sa communauté chez les Bantous.Ce qui connote son attachement à  son identité culturelle. Si à contrario, son compatriote et de surcroît – écrivain engagé- en la personne de René Louis Ombede a choisi René Philombe, Alexandre BIYIDI pour sa part a fait montre d’authenticité culturelle par deux fois, vu que par le passé il avait publié Ville cruelle  sous le pseudonyme d’Eza boto qui veut dire ‘’l’étranger’’ dans sa langue maternel. Une façon à lui de montrer sa non assimilation à un autre peuple. Pour le cas particulier du roman sus évoqué, l’écrivain use une fois de plus des noms significatifs pour faire passer son message et c’est en y jetant un regard anthroponymique sur les personnages que l’on comprend aisément le souci de l’écrivain, celui de critiquer la situation qui prévalait en Afrique engénéral et au Cameroun en particulier dans les années d’après indépendance. En premier lieu, l’auteur évoque tout   le régime d’un certain BABA Toura, nom qui ressemble étrangement à celui du premier président Camerounais HAMADOU AHIDJO. Le régime de BABA Toura tout comme celui  du Cameroun est marqué par la dictature, le népotisme, l’hégémonie. En outre, le camp de concentration où ESSOLA a passé six années ressemble étrangement aux prisons célèbres qui existaient alors au pays de Mongo Beti : Mantoum, Tcholiré et Yoko chargés de torturer tous ceux qui s’opposaient au régime en place. D’ailleurs les nationalistes maquisards ou intellectuels  qualifiaient Ahidjo de président ‘’fantoche’’ à solde de la France. Ensuite, nous avons le prénom Ruben qui renvoie inéluctablement à un héros national Camerounais : RUBEN UM NYOBE qui, contraint au maquis par les Français est finalement assassiné le 13 Septembre 1958. Dans perpétue ou l’habitude du malheur, Ruben est un leader politique assassiné presque dans les mêmes circonstances.ET Enfin, nous avons Perpétue un prénom qui fait penser à un éternel recommencement. Autrement dit, les malheurs de Perpétue sont à l’image du calvaire que traverse le pays et donc les populations s’en accommode.

Enfin de compte, Il faut dire que l’engagement de Mongo Beti face au régime néocolonialiste dans ce roman reste d’actualité les procédés qu’il a utilisés sont forts démonstratifs.

Bonne lecture.

MVESSO NGANTI